lundi 20 mai 2013

Kunstenfestivaldesarts - le temps des présentations

Tout comme je vous l’avais annoncé dans l’édito du précédent magazine (Le Suricate n°17 pour les petits malins et petites malignes qui ne croient personne sur parole, ni même nous!) ce mois de mai est l’occasion de découvrir ensemble le Kunstenfestivaldesarts (que je nommerai à partir de maintenant « Kfda » par économie d’encre numérique).

Cette découverte se fera donc en deux temps. Dans ce numéro-ci, je vais effectuer une sélection personnelle de spectacles, performances et expositions que vous pouvez voir à partir de maintenant jusqu’à la fin du festival, et je vous livrerai aussi la critique du spectacle de danse Partita 2 de Anne Teresa de Keersmaeker et Boris Charmatz. Dans le Suricate n°19 (donc le prochain, ça fait plaisir de voir que certains suivent) nous vous concocteront un dossier sur le Kfda dans lequel vous y trouverez les critiques des spectacles que j’aurai vu et une présentation du festival plus approfondie à laquelle je pourrai cette fois-ci joindre mes impressions et jugements.

Je vais tout d’abord préciser que de nombreux ponts se créent entre le Kfda et mon cher Festival d’Avignon, donc que j’y retrouve des artistes que j’apprécie beaucoup et d’autres moins donc ne vous étonnez pas si j’y fais référence par moment (c’est un tic que j’essaierai de gommer au fil du temps).

Le Kdfa, qui fête cette année sa dix- huitième édition, se déroule pendant trois semaines en mai dans une vingtaine de lieux bruxellois. Il est  « conçu fondamentalement comme un projet bilingue, il contribue à encourager le dialogue entre les communautés présentes dans la ville ». Du coup on y trouve des théâtres francophones, dont certains que vous avez l’habitude de croiser dans nos pages (du Suricate magazine), comme La Balsamine, le Théâtre 140, le Marni et le Varia. Et des institutions flamandes, que nous n’avons jusqu’ici pas encore abordé, impair que nous avons décidé de réparer dès à présent. Dans ces dernières, il y a entre autres le Beursschouwburg, qui est le Centre du festival, et le Kaaitheater que j’apprécie particulièrement et qui présente les artistes flamands les plus reconnus internationalement tout au long de l’année. « Le Kunstfestivaldesarts est aussi et avant tout un festival de création, parce que plus de la majorité des spectacles y sont présentés en première mondiale. »

Voici maintenant une petite sélection parmi les quarante spectacles, performances, installations et rencontres programmées.

H, AN ACCIDENT Kaaitheater – du 16 au 18/05
L’artiste Kris Verdonck interroge ici « les effets insidieux de notre société de l’information sur la vie privée et la liberté individuelle » par le biais d’un « opéra posthumain interprété par des instruments de musique robotisés, un chœur de chanteuses irlandaises, une armée d’outils multimédias et un Daniil Harms (un auteur dissident russe de l’époque de Malevitch) de chair et de pixel. » De quoi égayer notre curiosité !

GERMINAL La Raffinerie - du 21 au 25/05
Pour avoir déjà assisté à un spectacle-expérimentation d’Antoine Defoort au Festival d’Avignon (je vous avez prévenu) je me permet de vous conseiller le spectacle Germinal avant de l’avoir vu. Antoine Defoort est un habitué des expérimentations à base de numérique, de musique et de tout ce qui lui vient à la main le tout baigné dans beaucoup d’humour et le n’importe quoi ou presque. Il se met cette fois-ci aux côtés de Halory Goerger pour s’attaquer au théâtre, et ça promet.

TIME HAS FALLEN ASLEEP IN THE AFTERNOON SUNSHINE Bibliothèque Royale de Belgique - du 16 au 18/05 et du 23 au 25/05
Imaginez que nous assistions à une période de répression comme dans Farheinheit 451 de Ray Bardbury lors de laquelle tous les livres sont supprimés. Que faire d’une bibliothèque vide ? Heureusement, l’artiste norvégienne Mette Edvardsen a prévu le coup. La performance qu’elle présente cette année est basée sur un ensemble de performers qui ont chacun mémorisé un livre de leur choix. Vous empruntez l’un d’eux au comptoir de prêt et il vous entraîne dans un lieu intime pour vous le réciter.

Keersmaeker et Charmatz réunis


Partita 2 - Sei solo Kunstenfestivaldesarts
Chorégraphie Anne Teresa De Keersmaeker
En collaboration avec Boris Charmatz
Danse Anne Teresa De Keersmaeker, Boris Charmatz

Voici ce qui est probablement la ou plutôt les têtes d’affiche du Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles et qui le sera probablement aussi au Festival d'Avignon en juillet.

D’un côté, Anne Teresa de Keersmaeker. Danseuse et chorégraphe flamande qui a participé au renouvellement du langage chorégraphique de la danse contemporaine au début des années 1980. Son troisième spectacle Rosas danst Rosas, créé en 1984, est probablement le plus beau spectacle de danse que j’ai vu jusqu’ici et d’autres personnes plus âgées doivent pouvoir en dire autant. Anecdote du jour : c’est de ce spectacle que Beyoncé a plagié une partie de la chorégraphie pour l’intégrer à son clip Countouwn. La renommée d’Anne Teresa de Keersmaeker n’est donc plus à faire et son rythme de création est toujours élevé. Mais revenons-en à notre spectacle.

De l’autre côté, donc, Boris Charmatz. Danseur et chorégraphe français reconnu comme le chef de file français de la nouvelle génération dans les années 1990. Il questionne principalement le rapport au corps et la non-danse. Il a, par exemple, présenté un spectacle très controversé lors Festival d’Avignon en 2011. Enfants mêlait sur scène des adultes et des enfants dans des chorégraphies questionnant le rapport au corps entre enfants et adultes.

Voici donc ces deux artistes renommés qui se rencontrent sur le plateau pour danser ensemble sur la Partita 2 pour violon de Johann Sébastian Bach. La scénographie est très sobre. La scène est dénudée et seule une lumière dessinant le cadre de la porte par laquelle elle passe, nous offre un élément très marqué. D’ailleurs, le spectacle commence dans le noir complet. Pas étonnant quand on connaît les deux artistes qui aiment bien débuter leurs spectacles sans danse ou au pire en partant d’un mouvement très faible. Le début est donc ici consacré au morceau de J.- S. Bach, que nos oreilles peuvent alors tranquillement étudier, décortiquer ou tout simplement savourer.

C’est ensuite qu’arrive les deux danseurs et danseuses, exécutant des gestes et pas au caractère plus ou moins aléatoire, plus ou moins déterminé mais ne cessant de se répondre l’un l’autre. Cet esthétique de la répétition donne des apparences de découverte. Ils se découvrent l’un l’autres, découvrent leurs manières de danser respectives, et tentent de retranscrire à leur manière la musique. Des gestes maladroits, enfantins, aux courses en cercle comme on joue au chat et à la souris, c’est vraiment l’impression de découverte de soi et de l’autre qui m’a le plus marqué dans ce spectacle.

La troisième partie du spectacle consiste en leurs danses, auxquelles s’ajoute la musique Partita 2 de J.- S. Bach exécutée par la violoniste Amandine Beyer dans l’aire de danse. La construction en trois parties rend le spectacle très équilibré et très varié. De plus les trois parties sont complémentaires mais elles ont clairement leur intérêt propre si on les prend individuellement. Moi qui suis loin d’avoir apprécié tout ce que j’ai vu d’Anne Teresa de Keersmaeker ou le spectacle que j’ai vu de Boriz Charmatz, j’ai était conquis par le résultat que nous offre la rencontre des deux.

Programmé au Festival d'Avignon, ce spectacle risque de nous offrir un beau moment dans la mythique Cour d'Honneur du Palais des Papes. Reste à voir comment nos deux danseurs géreront l'immensité du plateau à deux.