lundi 18 mars 2013

Une comédie de Nicolas Bedos


Sortie de scène Théâtre Royal des Galeries
mise-en-scène Jean-Claude Idée
Ecriture Nicolas Bedos

C’est l’histoire de Pierre Monceau, grand auteur à succès qui a eu ses heures de gloires parisiennes en écrivant des comédies. Il a désormais a quitté ce monde artistique depuis dix ans pour écrire des essais polémiques dépeignant et détestant le milieu qui l’a fait vivre et le reste du monde d’ailleurs. À maintenant soixante ans, ce sont plutôt les gens du théâtre et les médias qui l’ont quitté, que l’inverse. Il faut dire, qu’à écrire des lettres aux patrons des grandes entreprises, aux directeurs des théâtres et à décrire ce public médiocre qui s’abêti devant la télévision ou même devant du théâtre de boulevard, il n’a pas pris la voie la plus facile pour être apprécié.
Cloitré dans son appartement parisien, fâché avec tout le monde, sa famille y compris, et affrontant la maladie, il essaye péniblement de se faire entendre du grand public en insistant auprès de l’animateur télé en vogue pour qu’il l’invite dans son émission.

Choix plutôt intéressant qu’a fait Nicolas Bedos pour un premier essai dramaturgique, que de parler d’un auteur de théâtre en fin de carrière, aigris des médias et des milieux « hypes » parisiens, et méprisant le théâtre de comédie. On peut y voir un objet réflexif au travers duquel il se demande pourquoi il commence dans cette voie-là et fait un petit bilan sur ce qu’il est et qu’il fait. Intéressant également car le personnage principal critique le genre de théâtre que les spectateurs de « Sortie de scène » sont venus voir.
Les autres éléments y sont assez clairs, dans le sens où les personnes qu’ils donnent à voir dans le spectacle sont ceux qu’il a de toute évidence côtoyés, et desquels il a grossis ou non les traits. Du présentateur télé ne jurant que par l’audience, du jeune auteur parisien passant son temps à boire et à être vu par les personnalités en soirée ou encore la gouvernante-secrétaire et amie dévouée mais qui ne se laisse pas faire.
Quand au personnage principal, il est certainement permit de ne pas chercher bien loin pour en trouver l’objet principal d’inspiration. Dans la première mise en scène de cette pièce, en effet, c’est son père, Guy Bedos en incarnait les traits.

C’est, évidemment, arrivé à un point proche du non-retour que notre protagoniste va voir arriver l’élément perturbateur. Refusant d’avoir des nouvelles de sa famille, c’est sans presque en être prévenu, que Pierre Monceau va voir débarquer chez lui sa nièce. Cette jeune de vingt-ans balançant entre la dépression et la révolte, est une fervente admiratrice des écrits politiques et polémiques de son oncle. Étant excédée par sa famille bourgeoise, elle a décidé d’entrer dans la vie de l’auteur sans y avoir été invitée. C’est à cette rencontre que l’homme de soixante ans qui fuit toute sociabilité depuis maintenant dix ans va devoir faire face.

Le spectacle nous fait passer un très bon moment de comédie, devant lequel il est facile de rire tant les répliques sont efficaces. Les personnages y sont caricaturaux mais il n’est pas question d’écriture gratuite ; ils ont tous des aspirations qui les font vivre et agir ainsi, et leurs rencontres sont toujours bien menées. La mise en scène de Jean-Claude Idée ainsi que les comédiens servent parfaitement le texte, et l’ennui y est relativement difficile. Le duo investit par Jean-Claude Frison et Marie-Hélène Remacle, jouant respectivement l’auteur et la gouvernante, fonctionne parfaitement bien, elle avec son positivisme et sa distance avec le beau-monde, lui avec la détestation qu’il en a. De même, les autres acteurs sont convaincants dans leurs rôles tantôt détestables tantôt attachants ou drôles, déterminés et perdus, incarnant différentes appréhensions de la jeunesse.

En bref, c’est une bonne comédie, bien écrite et bien montée, à la manière d’un théâtre classique, au décor imposant et figuratif d’un salon et au point de vue acerbe et comique, sans la férocité et le cynisme parfois poussées à l’extrême que revêtent certaines chroniques de Nicolas Bedos, et qui n’auraient pas leur place dans ce théâtre-là.

Publié dans Le Suricate n°12

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